(1) Albert Einstein et Léopold Infeld - L’évolution des idées en physique "C’est en réalité tout notre système de conjectures qui doit être prouvé ou réfuté par l’expérience. Aucune de ces suppositions ne peut être isolée pour être examinée séparément. Dans le cas des planètes qui se meuvent autour du soleil, on trouve que le système de la mécanique est remarquablement opérant. Nous pouvons néanmoins imaginer un autre système, basé sur des suppositions différentes, qui soit opérant au même degré. Les concepts physiques sont des créations libres de l’esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l’effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l’homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n’a aucun moyen d’ouvrir le boîtier. S’il est ingénieux il pourra se former quelque image du mécanisme, qu’il rendra responsable de tout ce qu’il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d’expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d’une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu’à mesure que ses connaissances s’accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l’existence d’une limite idéale de la connaissance que l’esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective."
(2) Émile Meyerson, Identité et Réalité (1908), Vrin, pp. 221 Joule semble, à première vue procéder par induction. « Ayant démontré que la chaleur est engendrée par la machine..., il devient très intéressant de rechercher si un rapport constant existe entre cette chaleur et la force (power) mécanique gagnée ou perdue ». Rien, semble-t-il, de plus correct, au point de vue des principes du raisonnement a posteriori, que de poser le problème de cette manière. Seulement, une fois ces expériences instituées, comme leurs résultats étaient, nous l'avons vu, fort divergents, Joule, au lieu d'en conclure que ce rapport n'était pas constant, mais variable, a tiré une moyenne du tout et l'a proclamée comme la valeur réelle du dit rapport ; c'est donc qu'il était convaincu d'avance de sa constance. D'ailleurs Joule a eu bien soin d'indiquer quelles étaient les sources de cette conviction. « Nous pourrions déduire a priori, dit-il, dans un travail un peu postérieur, qu'une telle destruction absolue de la force vive ne saurait avoir lieu, car il est manifestement absurde de supposer que les forces (powers) dont Dieu a doué la matière, puissent être détruites par l'action de l'homme ou créées par celle-ci ; mais nous ne sommes pas réduits à cet argument seul, quelque décisif qu'il doive paraître à tout esprit dénué de préjugé. » [...] Le Dieu dont parle Joule n'a rien de commun avec la théologie : il est, comme celui de Descartes et de Leibniz [...] un symbole de l'ordre général de la nature, et, dans le cas particulier, de l'immutabilité essentielle des choses c'est-à-dire du principe causal.
(3)Robert Iliffe, « Newton », Cahiers de Science et Vie, n° 13, janvier 1993, p. 59. L' expérience de Newton : la conservation de la quantité de mouvement - Cette expérience de Newton met en évidence la conservation de la quantité de mouvement (le produit de la masse par la vitesse : q = mv).
Deux pendules sont lestés de billes de poids différents : la rouge pèse quatre fois plus que la bleue. Si l'on soulève la rouge jusqu'au point T et qu'on la lâche (2), elle retombe, heurte la bille bleue (3), qu'elle propulse jusqu'au point I, et poursuit son mouvement jusqu'au point t (4). Newton énonce que la quantité de mouvement acquise par la bille rouge avant l'impact, diminuée de celle qu'elle possède encore après l'impact est égale à la quantité de mouvement acquise par la bille bleue. Autrement dit que la quantité de mouvement cédée par la rouge est égale à celle acquise par la bleue. Pour être assez simple, la démonstration suppose que tout se passe dans le vide. Newton, qui avait vraiment fait l'expérience, appliquait une série de corrections destinées à compenser la résistance de l'air, corrections qui sont trop compliquées pour figurer ici. Les physiciens du XVIIe vue siècle savaient que la chute d'un pendule obéit à une loi d'accélération telle que sa vitesse au point le plus bas est proportionnelle à la corde de l'arc parcouru (la corde est le segment qui joint les deux extrémités d'un arc de cercle). Ils pouvaient considérer que la vitesse des billes est exprimée par la longueur de cette corde. On considère donc trois cordes : TA = vitesse de la rouge avant collision, tA = vitesse après collision, BI vitesse de la bleue après collision. Ensuite, pour calculer les quantités de mouvement, selon la formule q = m.v, on peut multiplier ces longueurs par les masses respectives des billes (repérées par leurs poids), avec dans notre cas : ml (rouge) = 4, et m2 (bleue) = 1 Si la règle énoncée plus haut est vraie, on doit avoir : TA x ml - tA x ml = BI x m2 Sur notre dessin, on a : TA = 5, tA = 3,5, BI = 6 On constate aisément que (5 - 3,5) x 4 = 6 x 1 Newton ajoute que le principe peut être vérifié quelles que soient les conditions de l'expérience : poids des lests, longueur des pendules, mouvements différents donnés aux billes et même, à condition de tenir compte des pertes de mouvement, nature plus ou moins élastique des matériaux employés.
(4) Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique (1934), coll. Quadrige, PUF éd. 1999, pp. 103-105. Le Ciel descendu sur Terre i l'on voulait retracer l'histoire du Déterminisme, il faudrait reprendre toute l'histoire de l'Astronomie. C'est dans la profondeur des Cieux que se dessine l'Objectif pur qui correspond à un Visuel pur. C'est sur le mouvement régulier des astres que se règle le Destin. Si quelque chose est fatal dagisflotre vie, c'est d'abord qu'une étoile 5 nous domine et nous entraîne. Il y a donc une philosophie du Ciel étoilé. Elle enseigne à l'homme la loi physique dans ses caractères d'objectivité et de déterminisme absolus. Sans cette grande leçon de mathématique astronomique, la géométrie et le nombre ne seraient probablement pas aussi étroitement associés à la pensée expérimentale ; le phénomène terrestre a une diversité et une mobilité immédiates 10 trop manifestes pour qu'on puisse y trouver, sans préparation psychologique, une doctrine de l'Objectif et du Déterminisme. Le Déterminisme est descendu du Ciel sur la Terre. [...] À suivre le développement de l'astronomie jusqu'au siècle dernier, on peut se rendre compte du double sens que comporte le Déterminisme, pris tantôt comme 15 un caractère fondamental du phénomène, tantôt comme la forme a priori' de la connaissance objective. Souvent, c'est le passage subreptice d'un sens à l'autre qui apporte une confusion dans les discussions philosophiques.
(5) Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique (1934), coll. Quadrige, PUF éd. 1999, pp. 103-105. Le calcul probabiliste ssayons donc de circonscrire l'indéterminisme. On suppose à la base de la construction des comportements imprévisibles. On ne sait rien par exemple sur l'atome qui n'est pris que comme le sujet du verbe rebondir dans la théorie cinétique des gaze. On ne sait rien sur le temps où s'accomplit le phénomène du choc ; 5 comment le phénomène élémentaire serait-il prévisible alors qu'il n'est pas « visible » c'est-à-dire susceptible d'une description précise ? La théorie cinétique des gaz part donc d'un phénomène élémentaire indéfinissable, indéterminable. Certes indéterminable n'est point synonyme d'indéterminé. Mais quand un esprit scientifique a fait la preuve qu'un phénomène est indéterminable, il se fait un devoir de méthode de le Io tenir pour indéterminé. Il apprend l'indéterminisme sur l'indéterminable. Or mettre en oeuvre une méthode de détermination à propos d'un phénomène, c'est supposer que ce phénomène est sous la dépendance d'autres phénomènes qui le déterminent. D'une manière parallèle, si l'on suppose l'indétermination d'un phénomène, on suppose du même coup son indépendance. L'énorme pluralité que représentent les phénomènes de choc entre les molécules d'un gaz se révèle donc comme une sorte de phénomène général pulvérisé où les phénomènes élémentaires sont strictement indépendants les uns des autres. C'est alors que peut intervenir le calcul des probabilités. 20 Sous sa forme la plus simple, ce calcul est fondé sur l'indépendance absolue des éléments. S'il y avait la moindre dépendance, il y aurait un trouble dans l'information probabilitaire et il faudrait un effort toujours difficile pour tenir compte d'une interférence entre les liaisons de dépendance 25 réelle et les lois de stricte probabilité.
(6) Bachelard, Le Nouvel Esprit scientifique (1934), coll. Quadrige, PUF éd. 1999, pp. 103-105.Le principe d'incertitude d'Heisenberg 3 Le conflit entre le déterminisme et l'indéterminisme scientifiques était en quelque manière assoupi quand la révolution de Heisenberg est venue remettre tout en cause. Cette révolution ne tend à rien moins qu'à établir une indétermination objective. Jusqu'à Heisenberg, les erreurs sur les variables indépendantes étaient postulées 5 comme indépendantes. Chaque variable pouvait donner lieu séparément à une étude de plus en plus précise ; l'expérimentateur se croyait toujours capable d'isoler les variables, d'en perfectionner l'étude individuelle ; il avait foi en une expérience abstraite où la mesure ne rencontrait d'obstacle que dans l'insuffisance des moyens de mesure. Or avec le principe d'incertitude de Heisenberg, il s'agit d'une corrélation Io objective des erreurs. Pour trouver la place d'un électron, il faut l'éclairer par un photon. La rencontre du photon et de l'électron modifie la place de l'électron ; elle modifie d'ailleurs la fréquence du photon. En microphysique, il n'y a donc pas de méthode d'observation sans action des procédés de la méthode sur l'objet observé. Il y a donc une interférence essentielle de la méthode et de l'objet. [...] 15 Prétendre dépasser les bornes des relations d'incertitude, c'est employer les mots position et vitesse en dehors du domaine où ils ont été définis, où ils sont définissables. En vain on objectera que des notions si fondamentales ont un sens universel ; il faudra toujours convenir que les qualités géométriques n'ont aucun droit à être appelées des qualités premières 4 . Il n'y a que des qualités secondes puisque toute 20 qualité est solidaire d'une relations.
(7) « Quand Galilée fit rouler ses sphères sur un plan incliné avec un degré d'accélération dû à la pesanteur déterminé selon sa volonté, ce fut une révélation lumineuse pour tous les physiciens. Ils comprirent que la raison ne voit que ce qu'elle produit elle-même d'après ses propres plans, et qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements, suivant des lois immuables, qu'elle doit obliger la nature à répondre à ses questions et ne pas se laisser conduire pour ainsi dire en laisse par elle »
(8) Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale (1865), Flammarion, pp. 65-66. La méthode hypothético-déductive Claude Bernard' décrit ici les trois temps de la démarche expérimentale. ous avons dit plus haut que la méthode expérimentale s'appuie successivement sur le sentiment, la raison et l'expérience. Le sentiment engendre l'idée ou l'hypothèse expérimentale, c'est-à-dire l'interprétation anticipée des phénomènes de la nature. Toute l'initiative expérimentale est 5 dans l'idée, car c'est elle qui provoque l'expérience. La raison ou le raisonnement ne servent qu'à déduire les conséquences de cette idée ei à les soumettre à l'expérience. Une idée anticipée ou une hypothèse est donc le point de départ nécessaire de tout raisonnement expérimental. Sans cela on ne saurait faire aucune investigation ni s'instruire ; on ne pourrait qu'entasser des observations stériles. Si l'on expériio mentait sans idée préconçue, on irait à l'aventure ; mais d'un autre côté, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, si l'on observait avec des idées préconçues, on ferait de mauvaises observations et l'on serait exposé à prendre les conceptions de son esprit pour la réalité. Les idées expérimentales ne sont point innées. Elles ne surgissent point sponta- 15 nément, il leur faut une occasion ou un excitant extérieur, comme cela a lieu dans toutes les fonctions physiologiques. Pour avoir une première idée des choses, il faut voir ces choses ; pour avoir une idée sur un phénomène de la nature, il faut d'abord l'observer. L'esprit de l'homme ne peut concevoir un effet sans cause, de telle sorte que la vue d'un phénomène éveille toujours en lui une idée de causalité. Toute la 20 connaissance humaine se borne à remonter des effets observés à leur cause. À la suite d'une observation, une idée relative à la cause du phénomène observé se présente à l'esprit ; puis on introduit cette idée anticipée dans un raisonnement en vertu duquel on fait des expériences pour la contrôler.
(9)Karl Popper, Misère de t'historicisme (1945), trad. H. Rousseau, révisée par R. Bouveresse, Plon, p. 165 sq. Le résultat des tests est la sélection des hypothèses qui ont résisté aux épreuves, au moyen de l'élimination de celles qui ne l'ont pas fait, et qui ont en conséquence été rejetées. Il est important de se rendre compte des conséquences de cette conception. Ce sont celles-ci : tous les tests peuvent être interprétés comme des tentatives 5 d'élimination des théories fausses — des essais pour découvrir les points faibles d'une théorie, afin de la rejeter si elle est falsifiée. On estime parfois que cette conception est paradoxale ; notre but, dit-on, est d'établir des théories, non pas d'éliminer celles qui sont fausses. Mais précisément parce que notre but est d'établir des théories du mieux que nous le pouvons, nous devons les tester aussi sévèrement que nous le 1() pouvons ; c'est-à-dire que nous devons essayer de les mettre en défaut, de les réfuter. Ce n'est que si nous ne pouvons pas les réfuter, en dépit des plus grands efforts, que nous pouvons dire qu'elles ont résisté aux tests les plus sévères. C'est la raison pour laquelle la découverte d'exemples qui confirment une théorie a très peu de signification, si nous n'avons pas essayé, sans succès, de découvrir des réfutations. 15 Car si nous ne prenons pas une attitude critique, nous trouverons toujours ce que nous désirons : nous rechercherons, et nous trouverons, des confirmations ; nous éviterons, et nous ne verrons pas, tout ce qui pourrait être dangereux pour nos théories favorites. De cette façon, il n'est que trop aisé d'obtenir ce qui semble une preuve irrésistible en faveur d'une théorie qui, si on l'avait approchée d'une façon critique, 20 aurait été réfutée. Afin de faire fonctionner la méthode de sélection par élimination, et de garantir que seules les théories les plus convenables survivent, leur lutte pour la vie' doit être rendue sévère.
(10) Karl Popper, La logique de la découverte scientifique, trad. N. Thyssen-Rutten et P. Devaux, Payot, 1973, p. 37 sq Peut-on véritablement « vérifier » une hypothèse ? - J'admettrai certainement qu'un système n'est empirique ou scientifique que s'il est susceptible d'être soumis à des tests expérimentaux. Ces considérations suggèrent que c'est la falsifiabilité' et non la vérifiabilité d'un système, qu'il faut prendre comme critère de démarcation2 . En d'autres termes, je n'exigerai pas d'un système scientifique qu'il puisse être choisi, une fois pour toutes, dans une acception positive, mais j'exigerai que sa forme logique soit telle qu'il puisse être distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acception négative : un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience..
(11) Thomas Kuhn, Structure des révolutions scientifiques (1962), trad. L. Meyer, coll. Champs, Flammarion, p 172. Les présupposés de la démarche scientifique : les paradigmes Les paradigmes ne sont absolument pas corrigibles par les moyens de la science normale Par contre, nous l'avons déjà vu, la science normale conduit finalement à la reconnaissance des anomalies et des crises. Et celles-ci se résolvent non par un acte de réflexion volontaire ou d'interprétation, mais par un événement relativement 5 soudain et non structuré qui ressemble au renversement de la vision des formes 4 . Les scientifiques parlent alors souvent d'« écailles qui leur sont tombées des yeux » ou d'un « éclair » qui a « inondé de lumière » : une énigme jusque-là obscure, les rendant aptes à voir ces éléments sous un jour nouveau qui, pour la première fois, permet sa solution. Dans d'autres cas, l'illumination se produit durant le sommeil. té Aucun des sens habituels du terme interprétation ne convient à ces éclairs d'intuition qui donnent naissance à un nouveau paradigme. Ils dépendent évidemment de l'expérience, aussi bien anormale que congruentes, acquise dans le cadre de l'ancien paradigme, mais ils ne sont pas liés logiquement, par morceaux, ou pièce à pièce, aux éléments particuliers de cette expérience comme le serait une interprétation. Au 15 contraire, ils réunissent en un tout des portions assez vastes de cette expérience et les transforment en un ensemble de données assez différent, lequel, par la suite, sera lié par morceaux au nouveau paradigme, mais non à l'ancien.
(12) Thomas Kuhn, Structure des révolutions scientifiques (1962), trad. L. Meyer, coll. Champs, Flammarion, p 167-9 Un même fait, deux perceptions différentes La notion de paradigme permet de comprendre pourquoi un même fait, aussi simple soitil (par exemple un pendule ou une pierre se balançant au bout d'une corde), n'est pas vu de la même façon. Dans ces conditions, peut-on encore parler de « fait » ? ID epuis la haute Antiquité, la plupart des gens ont vu un corps lourd quelconque se balancer d'avant en arrière, au bout d'une ficelle ou d'une chaîne, jusqu'à ce qu'il arrive finalement à l'immobilité. Pour les aristotéliciens, qui croyaient qu'un corps lourd est mû par sa propre naturel d'une position plus élevée vers un état de repos naturel, à une position plus basse, le corps qui se balançait tombait simplement avec difficulté. Contraint par la chaîne, il ne pouvait atteindre le repos à son point inférieur qu'après un mouvement compliqué et un temps considérable. Galilée, au contraire, regardant ce corps qui se balançait, y vit un pendule, un corps qui réussissait presque à répéter le même mouvement jusqu'à l'infinie. Ayant 10 vu ceci, Galilée observa d'autres propriétés du pendule et élabora à leur propos certaines des conceptions les plus importantes et originales de sa nouvelle dynamique. Par exemple, il tira des propriétés du pendule son seul argument complet et valable en faveur de l'indépendance du poids et de la vitesse de chute, et également en faveur du rapport existant entre la hauteur verticale et la vitesse terminale de déplacement 15 de corps descendant sur des plans inclinés 3 . Tous ces phénomènes naturels, il les vit sous un aspect différent de celui qu'ils avaient revêtu avant lui. Pourquoi cette modification de la vision se produisit-elle ? À cause du génie personnel de Galilée, évidemment. Mais remarquons que le génie ne se manifeste pas ici par une observation plus exacte ou plus objective du corps 20 qui se balance. Sur le plan descriptif, la perception aristotélicienne est tout aussi exacte. Et même, quand Galilée affirma que la période du pendule était indépendante de l'amplitude pour des amplitudes allant jusqu'à 90°, on peut dire que sa conception du pendule 4 l'avait amené à y voir beaucoup plus de régularité que nous ne pouvons en constater nous-mêmes. Il semble plutôt que le génie ait ici exploité 25 les possibilités perceptives ouvertes par un changement de paradigme au Moyen Âge. Galilée n'avait pas reçu une formation complèteltérn aristotélicienne. Au contraire, il avait appris à analyser les mouvements du point de vue de la théorie de l'impetus 5 (impulsion), paradigme de la fin du Moyen Âge qui enseignait que le mouvement continu d'un corps lourd est dû à une puissance interne implantée en lui par le 30 moteur qui a été à l'origine du mouvement. [.. Buridan 6 décrit le mouvement d'une corde qui vibre comme un mouvement dans lequel l'impetus est donné pour la première fois quand la corde est frappée. L'impetus s'épuise ensuite en déplaçant la corde contre la résistance de sa tension ; la tension ramène alors la corde en arrière en lui donnant un impetus croissant jusqu'à ce qu'elle atteigne le point marquant le milieu 35 du mouvement ; ensuite, l'impetus déplace la corde du côté opposé, de nouveau contre la tension de la corde, et ainsi de suite en un processus symétrique qui peut continuer indéfiniment [ Avant l'invention de ce dernier paradigme, les savants ne pouvaient pas voir de pendules mais seulement des pierres qui se balançaient. Les pendules sont nés de 40 quelque chose qui ressemble beaucoup à un renversement de la vision de la formel produit par un nouveau paradigme.
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