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Eironeia à l'âge de l'Éducation pour tous

ou

ÂGE de PINOCCHIO

Education à l'âge de Pinocchio

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Il y a 20 ans de cela, Carol Bellamy, directrice de l’ UNICEF, au Forum de Dakar 2000 déclarait ce qui suit :

« Dans un monde toujours plus accablé par les conflits, les violences et l’instabilité, il faut que nous assurions qu’en tout contexte de crise l’enseignement ne s’interrompe, ou qu’il reprenne le plu tôt possible. En un tel contexte, l’école doit être un sanctuaire, une place amicale pour l’enfant, où il puisse trouver un zone de paix et un sens de la normalité qui sont importantissimes pour son bien être. […] Les programmes d'éducation devraient être conçus de manière à promouvoir le plein épanouissement de la personnalité humaine et à renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme). Ces programmes devraient encourager la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les Nations et tous les groupes ethniques et religieux; ils devraient être attentifs à l'identité culturelle et linguistique et respectueux de la diversité ; et également renforcer la culture de paix. L'éducation devrait mettre en valeur non seulement des compétences telles que la prévention et le règlement pacifique des conflits, mais aussi des valeurs sociales et éthiques.

… ainsi parla donc, au 0 du 3° millénaire, la Voix des Nations pour plaider la cause d’une Education pour tous : égalitaire, universaliste, démocratique.

En ce même moment – automne 2000 – commença mon propre voyage socrate/zarathoustrien dans l’Agora du Présent, dans ce vaste élevage qu’est notre « civilisation européenne » notre Ville-de-la-Vache-Multicolore toute à découvrir et à explorer pour le philosophe-éducateur que j’étais. Et j’étais tel car je portais en moi a) la Foi d’Aristote : « Tous les HOMMES [...+ FEMMES + GENDERQUEER] aiment le Savoir » (Métaphysique A); b) l’initiation de Platon aus mystères du Samsara, sachant, pour l’avoir vécu, que TOUS LES HOMMES [...+ FEMMES + GENDERQUEER] jusqu'à l’esclave le plus petit, minable et anonyme (qui connaît le NOM de ce méprisable domestique qui dans le Ménon s’avère néanmoins être le porteur d’une étincelle de l’Âme du Monde ?)… CONNAÎSSENT DÈJÀ (=hébergent-en-soi-la-réminiscence-de) la Vérité, et donc saivent la re-connaître si seulement tu (= philosophe-professeur-éducateur) la lui montres grâce, évidemment, à des « programmes d'éducation conçus de manière à promouvoir le plein épanouissement de la personnalité humaine »…

Or sans vraiment m’en rendre compte (ma posture à l’époque étant plutôt celle de Descartes lorsqu’il décide de voyager le monde en quête d’expériences des choses et des hommes, que celle de Socrate se sentant le messager d’Apollon auprès de ses concitoyens à piquêr)… je m’apprêtait à vivre une suite de situations qui iraient me conférer une position de privilège (ma position actuelle, 20 ans après) pour répondre à la question suivante : « où l’on en est – nous les Européens, nous qui ne sommes pas « accablés par les conflits, les violences et l’instabilité » – quant à la possibilité que le Grand Souhait de l’ONU-UNESCO-UNICEF-UE-OCDE-ÉDUCATIONS-NATIONALES… - le Grand Souhait d’un accès à suffrage universel (« TOUS+TOUTES+GENDERQUEER ») à l’Éducation et à la Connaissance (en ce même 2000 l’UE s’auto-bâptisait à Lisbonne Europe de la Connaissance»)… qu’un tel Grand Souhait, dis-je, ne soit pas qu’un Grand Rêve ?

Quelle est ma réponse à cette question fatale, où se décide – il est évident – le destin même de l’Humanité en toutes ses démocratiquement multiples genres et sexualités ?

Avant de la proposer, je l’introduis par un autre constat (à côté de celui concernant l’instabilité et les conflits qui dévastent les zones où l’on devrait éduquer les humains plutôt que les massacrer) qui parcourt le vaste document relatant de ce « Dakar 2000 », où, à la défense du caractère sacré des lieux d’enseignement fait suite une défense de la position des enseignants qui, partout dans le monde, apparaissent dramatiquement désarmés. Le texte de Dakar établit ainsi la stratégie n.9 :

"La condition du personnel enseignant.- Il est unanimement établi dans les rapports des syndicats d'enseignants que la condition des enseignants s'est détériorée, souvent considérablement, au cours de ces dernières années. Cette dégradation est imputable à la fois à des facteurs matériels et non matériels. Il est clair que la grande majorité des enseignants pensent qu'ils ne reçoivent pas le soutien moral et la reconnaissance matérielle appropriés à leur niveau de qualifications et de responsabilités.
Les rapports émanant d'un ensemble de pays sont saisissants. Le nombre d'enseignants ayant droit à des pensions d'invalidité s'est accru de façon constante. Les enseignants déclarent avoir des problèmes de sommeil, des difficultés dans leur vie conjugale et souffrir plus fréquemment de dépression en raison de leurs conditions de travail. Les enseignants sont généralement habitués à travailler dur pour une juste cause, mais si l'on abuse de leur bonne volonté, cela peut avoir un effet contraire à celui désiré."

Or ce qui est très intéressant et révélateur est que dans ce document – si saisissant quant aux images d’écoles sous les frappes, d’enseignants poussés au burn-out et aux méchantes Éducations Nationales pas à la hauteur de leur noble destination dans l’Universel… NULLE MENTION n’est faite des élèves eux-mêmes.

N’y étant pour rien, évidemment, quant au choix des programmes pas-assez-épanouissants qu’on leur inflige, ni quant aux bombes qu’on largue sur leur têtes et aux famines qui les accompagnent… les élèves de l’Oikoumène s’en sortent INVISIBLES : leur tête n’apparaît pas dans le Grand Fresque de cette apocalypse didactique, pédagogique, culturelle.

Or c’est précisément – et seulement – sur cette tête – la Tête de l’Élève à l’Âge de la Connaissance – que j’ai mon mot à dire, tiré à la fois de mes 20 ans d’ expériences de terrain et de recherches théoriques toutes concentrées sur le dynamiques fondamentales de l’apprentissage. Mais, je n’ai enseigné ni en Afrique, ni en Asie, ni en Amérique, ni en Océanie (même si j’ai bien eu des élèves africains, asiatiques, américains, australiens). Je ne répondrai donc, ici, qu’à propos de l’Élève Européen, sur lequel ni bombes ni famines ne répandent leurs ravages.

En Europe j’ai enseigné :

(I) a) en Italie – dans le Lazio : Rome, Viterbo, Albano Laziale – b) en France : Paris (75 : centre/banlieue) Biarritz (64) Chatou (78) Montmorency (95) Belfort (90) Le Chesnay (78) Nogent le Rotrou (28) Guingamp (22) Bain de Bretagne (35)
(II) a) aux super-super-riches de Paris-centre ; b) aux super-super-pauvres de Paris- banlieue ; c) aux provinciaux ambitieux ; d) aux bobos gâtés ; e) aux campagnards timides ; f) aux filles hétéros ; g) aux garçons hétéros ; h) aux filles/garçons homos ; i) aux genderqueers ; l) aux bourrés de capital symbolique ; m) aux dénués de toute mémoire culturelle ; n) aux normaux ; o) aux handicapés ; p) aux adultes (professeurs, savants, employés) ; q) aux enfants
(III) a) comme précepteur en individuel ; b) comme professeur en individuel ; c) comme directeur d’un centre d’enseignement « non-formel », en tant que professeur/précepteur depetits groupes ; d) comme Auxiliaire de Vie Scolaire en individuel ; e) dans des lycées publiques ; f) dans des lycées privés sous contrat/hors contrat ; h) dans le laïque en expliquant/appliquant la Laïcité dans les heures d’ EMC (que j’aime beaucoup); i) dans le religieux, en expliquant/appliquant les principes de l’Enseignement Catholique (que j’aime beaucoup); l) dans le spirituel/spirite, en expliquant/appliquant les principes de la pédagogie Waldorf/Steiner (que j’aime beaucoup et connais particulièrement bien).

Or sur la base de (I)+(II)+(III) je considère posséder une expérience suffisante de l’Élève Européen pour soutenir l’idée cohérente et unitaire que je m’en suis faite, malgré sa multiplicité changeante et bariolée. Et l’idée que je m’en suis faite correspond à une tête des plus connues de notre univers symbolique. Elle est lumineuse, claire, distincte, UNE et SOUDÉE en son universalité et son intelligibilité sans défauts ni bavures. Elle n’est pas tout à fait tragique comme par exemple celle d’Œdipe ou de Méduse… bien au contraire, elle invite à la tendresse et à l’ironie. La voilà :

pinocchio

Le Complexe de Pinocchio

C’est bien cela : Pinocchio est un trait de personnalité absolument unitaire, universel, trans-national-transgender-trans-classes-trans-religions ... qui met tous-toutes-xxx d’accord. Mon expérience est qu’une seule et même difficulté – toujours identique à soi et extrêmement monotone – doit être affrontée par l’enseignant au centre des riches comme dans banlieue des pauvres, face aux filles, aux garçons, aux adultes… de n’importe quelles préférences sexuelles ou religieuses ou spirituelles. La totalité cohérente de mes élèves de lycée en France comme en Italie, ados ou adultes, étaient pertinemment indifférents à ce que je leur parle le laïque, le catholique ou le steinerien… leurs préoccupations de base – tout à fait imperméables à ces questions de méthode et de doctrine - jaillissent d’un complexe de pulsions, d’objectifs, de craintes, de prétentions que j’appelle bien, depuis un moment le Complexe de Pinocchio .

Or que veut-il Pinocchio ? Évidemment, il ne veut pas tuer son père car il n’en a pas, ni forniquer avec sa mère, car elle aussi n’existe pas. Bref, Pinocchio n’a pas de famille !. Ce n’est pas de ce côté-là qu’on peut trouver la nature de son problème (sur cela : voir ce que j’écris dans La peur des mathématiques et la fée aux cheveux bleues quant à l’absurdité d’une théorie psychanalytique de la « phobie scolaire » fondée sur l’idée que la peur de l’école n’en est pas une, car évidemment à l'école il n'y a rien à craindre (!!!), et qu'elle ne serait, donc, que le « déplacement », de la part de l'enfant, d’une angoisse de détachement de son berceau maternel)

Nous dirons très simplement que Pinocchio a) ne veut surtout pas aller à l’école pour se faire éduquer, car il est immensément paresseux/cul-de-plomb et il prétend déjà tout savoir et n’aime que se divertir; en l’occurrence, il feint le mal au ventre (« phobique »). Il est l'Incarnation Actuelle de l' ACEDIA b) il écrase à coups de marteau toute voix de sagesse qui tente de l’éduquer en le ramenant à des principes élémentaires d’autoconservation dans notre monde tel qu’il est (et qui n’aime pas le Pinocchios, tout en en exploitant joyeusement les potentialités de consommation) ; c) ment, triche et manipule dès qu’il en a l’occasion ; d) n’est pas nécessairement méchant.


Le Complexe de Pinocchio est à mon sens la VRAIE ET SEULE question qui demande une réponse aux promoteurs de l’ « éducation pour tous »… car c’est la seule chose vraiment démocratique et égalitaire dans le vaste et multiple monde de la Transmission Éducative du Savoir.

Un survol sur L'Âge de Pinocchio (1968-2020)

Du côté de la science

Carlo Collodi écrivit Pinocchio à l’époque où l’Italie, comme les autres nations européennes, mettait en place son Éducation Nationale. Eironeia est née du constat que ce projet n’a pas abouti : que Pinocchio est resté obstinément hostile à l’éducation scolaire. A présent, ce même constat s’impose (à mes yeux) par rapport à toute la planète, à laquelle c’est Pinocchio – pas Geppetto, pas le Grillon, pas la Fée aux cheveux bleus – qui, capricieux et tyrannique, dicte sa Loi.

Je vais maintenant fonder mes affirmations (jusqu'ici appuyées par le seul recours à mon expérience) sur des évidences à la fois scientifiques et culturelles/historiques.

Au fait, je ne suis pas tout à fait seul dans ce constat d’universalité de ce que j’appelle le Complexe de Pinocchio, en y voyant le seul empêchement réell à une effective éducabilité universelle du Genre Humain. Mais, je ne suis en compagnie ni de la psychanalyse (pensant que le réfus de l'école n'n est pas un) ni de tant de pédagogies de la Bonne Volonté et d’Espérance, toutes animées par ce qu’Olivier Houdé[1] (Le cerveau dans l’école, 2018) appelle le « postulat de l’éducabilité » en l’occurrence « dans une société inclusive ».

Comme je me trouve en désaccord avec un tel Postulat (le fil-rouge du "manifeste" de M.Houdé) que je vois descendre d’un ciel BIEN plus idéaliste (=anti-réaliste) que celui de Platon – car il faut bien remarquer que pas tous les penseurs que dans son livre M. Houdé enchaîne comme précurseurs de son idéal seraient d’accord avec les visions « inclusives » de Freinet & C., et cela à partir justement de Platon lui-même, qui tout en étant cité en premier est sans doute le plus anti-égalitaire de tous les pédagogues scolaires de l’Histoire, et en passant par les évoqués Augustin et Montaigne (Ibid.) – … je ne puis que signaler l’ incohérence de principe de l'optimisme de M.Houdé, car ma position aussi, tout en remettant radicalement en cause l’auto-évidence de ce Postulat, se trouve à être fortement confirmée par ces évidences mêmes qui font le soubassement scientifique de la neuro-pédagogie houdéiste

Je m’explique

La recherche (post)piagétienne de M.Houdé fait cadeau à nôtre époque d'une trouvaille immensement précieuse: le repérage, en 2000, d’un vrai "héros", nommé premièrement « Système 3 » et qui, s'agissant d' réseau neuronal, a son siège dans le cerveau de tout homme. Or cet héros - qu’il appelera ensuite "Captain inhibition" pour que l’élève à (s’auto-)éduquer puisse s'y identifier comme à un Actarus installé dans sa tête-Goldrake, et grâce auquel Pinocchio peut arriver à SE maîtriser – s'appelle "3", car il émane de la préalable découverte, de la part du psychologue M. Daniel Kahneman (advenue entre 1974 et 2011, et lui ayant valu un Prix Nobel en Économie, secteur «finance comportamentale»)… de deux « personnages », deux « héros », « deux soi »… habitant tout être humain comme totalité psycho-physique : le « Système 1 » - notre côté intuitif/automatique – et le « Système 2 » : notre côté réfléchi et rationnel mai, hélas, horriblement paresseux (je dis : ACEDIEUX, pour des raisons métaphysiques majeures)[2]. Les deux ensemble constituent pour Kahneman non pas un pur-esprit-connaissant pourtant troublé par ses émotions, mais bien la « machine cognitive » elle-même, en sa « conception » de départ (p.17-18). Or, c’est bien là, à mes yeux, une claire manifestation intra-scientifique de cet « héros » unique qu’est à mes yeux Pinocchio, dûment de-psychanalysé (=purement "cognitif", et structurellement lié à notre être psycho-physique, sans rapports à notre parenté, histoire affective, appartenance de classe).

*

Donc, sur ce point-là ma position et celle de M. Houdé convergent à cent pour cent.

C'est en revanche sur l’optimisme universaliste du Postulat d’Éducabilité que nous divergeons, et et que Kahneman en personne ne partage pas, comme M. Houdé le signale.

Je vais alors dire sur quelle base historique et culturelle – outre que sur celle de mon expérience de 20 ans comme enseignant - je ne partage pas l’optimisme pédagogique de M.Houdé.

Je viens d’affirmer que le monde n’aime pas les Pinocchios mais aime bien en exploiter les potentialité de consommation.

Je m’explique.

Sur le fait que le monde n’aime pas les Pinocchios, je partage les propos bienveillants et sévères que l’éducateur, bien platonicien, Socrate réserve au jeune et beau Lysis,en présence de son amoureux (de Lysis) mais trop flatteur Hyppothalès, qui n'avait fait jusqu'à alors qu’en tisser les louanges, et justement pour montrer à ce dernier comment devrait-on en effet parler à ceux qu'on aime (Lysis, 206c).

Le jeune Lysis, tout en étant riche-e-aristocratique - donc "LIBRE" - et, ainsi que le petit ESCLAVE sans nom du Ménon lui aussi habité par une divine étincelle de l'Âme du Monde, pré-connaisseuse de la Vérité, s'étant avéré - à la suite d'un échange avec Socrate sur la nature de l'amour que ses parents lui portaient - n’être que… soi-même, c’est-à-dire le petit ado-sans-cervelle que de par sa nature il était... voilà les derniers mots de l'admonestation socratique:

« Comment peut-on donc avoir une haute idée de soi-même (mégalophron) si l’on n’a pas d’idée du tout (« aphron » ) ? … Par conséquent, ni ton père t’aime dans la mesure où tu ne sais rien (ou sophos) et ne sais rien faire (achrestos), ni personne d’autre. Il en résulte que si tu devient savant, mon enfant, tous te seront amis, et tous te seron apparentés… » (Platon, Lysis, 210c-d)

PERSONNE, jamais personne en aucun cas n'aimera un pur et simple sans-cervelle, un ignorant-aphronos qui se prend pour autre que ce qu'il est: un petit-sot esclave de sa prétentieuse ignorance

Nous n'aimons Pinocchio QUE parce-que, ayant brisé le coeur de la Fée aux Cheveux Bleus du fait d'avoir choisi l'école buissonnière de Lucignolo, il revient ensuite sur ses pas (une fois Lucignolo vendu comme âne-marchandise) et fond en larmes devant la tombe de la Fée, pour finalement choisir de s'incarner et se rendre à l'école-pour-de-vrai, en s'occupant de la sorte de Geppetto malade.

Pinocchio fond en larmes sur la tombe de la Fée

En revanche, quant au fait que Pinocchio est un vrai puit-à-consommation – une mine d’or pour le Capital - j’évoque à mon soutien bien sûr cet industrie à production d’ânes qu’est le Pays des Jouets peint par Carlo Collodi… mais surtout, évidemment, ce même Prix Nobel pour l’Économie (débouchant désormais sur la neuro-économie») que la découverte scientifique de la structurelle Acédie révolteuse du « Système 1+ 2 » a valu à M. Kahneman.

Et là, on est certes tenté de s’en prendre à la méchante Finance Internationale, visage obscur du Capital à l’âge actuel, de même qu'on est toujours tenté de le faire avec les Éducations Nationales, éternellement coupables de tout (élitisme) et son contraire (laxisme).

Mais ce n’est pas cela que je vise. Au contraire, encore une fois, ma cible est Pinocchio lui-même, que j’ai commencé à connaître dès mon âge de lycée, qui s’est faite pendant les année 1980, donc pendant que (1) les Systèmes1+2 , prémièrement nés « un jour heureux de 1969 » (Kahneman cit.p.11) s'affirmaient dans le monde de la Recherche pycho-neuro-économique; (2) Pinocchio lui-même (=Système1+2) obtenait TOUT ce qu’il avait prétendu qu’on lui concède .

Ce moment fatal pour le futur de l’éducabilité effective (pas que « postulée ») du Genre Humain… voyait donc en même temps (1969) (A) Kahneman-Tversky scotchés par la suprême sottise de LEUR PROPRE « Système 1+2 » et de ses jugements spontanés, bien égalitaires et identiques chez tout le monde ! (op.cit. Introduction), et (B) la sortie de ce j’appellerais le vrai Manifeste de Pinocchio , sous le titre de To free a generation ! The dialectics of libération (Colliers Books, NY, 1969), pointe de fer à haute concentration conceptuelle de ce « psychédélisme» qui – grâce, par exemple, à l’écriture visionnaire de Aldous Huxley[3] ciblait déjà, bien avant l’arrivée de la brain imagery et de la neuro-pédagogie, les neurones des adolescents en quête de liberation = défonce.

Dans ce bouquin, deux principes s’expriment avec « force » : 1) sous la plume de Ronald Laing («The obvious»), le Principe de Désobéissance : «The most dangerous link in the chain is the obedience » (p.29) selon les mots que sir Julian Huxley en personne (frère de Aldous et créateur de l’UNESCO) utilisa en sa présence. 2) Sous la plume de Gregory Bateson ("Conscious purpose versus nature") le « Principe de Faiblesse » ou d’ « Impossibilité du Capitaine» :

« Même à l’intérieur de l’être humain, le contrôle est limité. Nous pouvons dans une certaine mesure nous organiser pour comprendre mêmes des choses abstraites comme l’arrogance et l’humilité, mais EN AUCUN CAS NOUS NE SOMMES LES CAPITANES DE NOS ÂMES.[…]

Ma propre expérience avec du LSD m’a convaincu que Prospero avait tort lorsqu’il disait "Nous sommes faits de matière de rêves". Il semble plutôt que la notion de "rêve pur", aussi bien que celle d’ "objectif pur" sont bien grossières (trivial). Il ne s’agissait pas de la matière dont nous sommes faits, mais seulement de fragments et de morceaux épars d’une telle matière. De même, nos objectifs conscients ne sont que des fragments et des morceaux épars.»(Ibid.p.48-9, Ma trad.).

Tant chez Laing que chez Bateson ces Principes sont des valeurs porteuses et des postures épistémologiques fondatrices.

"La politique de a famille" de R.Laing, essai édité en ce même 1969, s’ouvre polémiquement sur une citation des Lois de Platon où il est dit qu’il ne sera pas permis « à tous les jeunes hommes de mettre en question le bien-fondé ou le mal-fondé lois de la cité ». Évidemment les jeunes ont bien ce droit !

De même, la conviction de l’Impossibilité du Capitaine que Bateson se forme lors de son état psychédélique fragmenté devient – une fois son Système dé-fragmenté – le Postulat Fondateur de son « épistémologie de la cybernétique » comme elle s’exprimera en 1971 dans "La cybernétique du « soi » : une théorie de l'alcoolisme"[4] où Bateson « démontre », sur la base de sa vision du cycle temporel de feedback faisant l’essence (à ses dires) de tout mécanisme de contrôle-de-soi, qu’être le « Capitaine de son âme » - selon les paroles magnifiques du poète W.E.Henley (Invictus), qui avaient entre-autre inspiré la Résistance de Nelson Mandela durant ses 30 ans de prison et de crontrôle-de-soi -1964-1994- à Robben Island -…n’est qu’une pure illusion. L’alcoolique ne sera JAMAIS son Capitaine… (Comment alors – nous demandons-nous maintenant – Pinocchio pourrait-il jamais devenir "Capitaine Inhibition"??? )

Et en effet, la Valeur Psyché-délique et huxleyenne offerte à Pinocchio en ce moment fatal pour l’éducabilité universelle du Genre Humain est justement a) « désobéir », un pont c'est tout; (b) tout «contrôle de la pensée» n'étant qu'une méchante illusion anti-psyché-délique et anti-cybernétique

Quoi de mieux pour Pinocchio ?

Les DIX GLORIEUSES de l'Âge de Pinocchio

Et bien... il s’en est suivi... les années 1970 - les DIX GLORIEUSES DE L'ÂGE DE PINOCCHIO - : celles de mon enfance-première adolescence, avec leur refrain libérateur répété comme un mantra par l'industrie discographique:

1968-71 Pendant que Daniel Kahneman passait ses nuits (op.cit.p.200)dans l'écriture de L'Attention et l'Effort... c'était l'Imagination la plus effreinée et spontanée (=Système 1 !) qui à grande voix demandait le « Pouvoir »…


slogans 1968: Imagination au pouvoir etc.

...ainsi que John Lennon nous le proposait: "It's easy to imagine, if you try... "… parole de Monsieur-le-paresseux-Système 2 (le porteur attitré de pensées réfléchies) qui trouve beaucoup trop fatigante cette "Discipline de la Raison" nécessaire, aux yeux de l'éducateur Immanuel Kant, à démasquer ces "jeux frivoles d'images au lieu de concepts, de mots au lieu de choses" (Critique Raison Pure, B738) auxquels s'adonne notre Raison-Pinocchio quand personne n'est là pour en brider la structurelle tendence à se dissiper dans le Divertissement, voire dans le simple usage-de-soi utilitaire et manipulateur.

1968/1974: Jacques Dutronc et les Supertramp interceptaient Pinocchio sur le chemin de l’école : « Je puis te voir tous les matins, quand tu te rends à l’école. – Le professeur te dit d’arrêter de jouer et d’aller bosser … fais-pas-ci, fais-pas-ça… (dont do this and dont do that) Qu’essaient-ils de faire ???...» :



1977: Edoardo Bennato dédie à Pinocchio tout un album – « Burattino senza fili» (Marionnette sans fils)… et là méchamment il s’en prend au Grillon-qui-parle, pas content que le pauvre (n'ayant dit à Pinocchio que cela: "Les enfants qui ne vont à l'école finissent à l'hôpital ou en prison") ait été déjà écrasé par notre « héros » : «C’est un grillon qui parle. Il se croit important. Il a tant étudié. Il s’est diplômé. Il vient… il vient... le voilà. Et maintenant écoutez bien le sermon qu'il va nou tenir ! Toi grillon-qui-parle… qui parle aux gens… mais qui t’a invité… qui t’a cherché ! Tu n’est qu’un prophète de variété! Et de ton sermon...nous n’en avons rien à foutre! »



Et pour clôturer les dix glierieuses, en 1979 c’est le tour des Pink Floyd et de leur manifeste. Pinocchio obligé à se rendre à lécole et Anna Frank déportée vers l'extermination, c'est la même chose: «We don’t need no education… Nous n’avons pas besoin d’éducation ! Nous n’avons pas besoin de contrôle de la pensée! Professeurs : foutez la paix à ces gosses ! Teachers... leave them kids alone!!! »



Bref, ma rencontre avec Pinocchio comme Fait et comme Valeur a eu lieu pendant les années 1980: DE FAIT, depuis l'âge du Collège (1979-1981) une à-tout-le-monde-et-à-soi-même-évidente et océanique masse de Pinocchios est le milieu escompté de ma vie quotidienne. En 1982 en revanche, lycéen agé de mes 15 ans, j’ai été premièrement confronté (à la présence plénière de mon esprit critique) à la VALEUR-PINOCCHIO. Un beau soir de Noël au coeur pulsant de ma Rome (dans une salle de cinéma à Piazza San Lorenzo in Lucina) j'ai assisté à une projection de Pynk-Floyd: the Wall... et les mots « we don’t need no education, we don’t need no thought control »… ont choqué et blessé mes oreilles. Je ne m’en suis plus repris. C’est des mots tellement… mais tellement scandaleux !

L’énormité des dégâts produits par cette morale inversée HURLE d’autre part avec la voix de l’ IMMENSE succès de marketing que ces anti-éducateurs ont eu, justement grâce (le-voilà le Prix Nobel pour l'économie de Kahneman: qui entretemps (pendant que Lennon-Dutronc-Supertramp-Bennato-Pink-Floyd devenaient millionaires) instruisait les bons élèves à comment berner les Pinocchios) ...grâce, dis-je, à ce couplage Système1+Système2 qui – tels le Chat et le Renard – chuchotaient aux oreilles de ma génération (to free) d’acheter en masse de cette musique, d'en répéter les mantras à l’LSD ou à l’Extasy… pour le plus grand bien du Capital.

J'en viens alors à mon objection à l'Optimisme de la Bonne Volonté qui anime la neuro-pédagogie universaliste et égalitairede M.Houdé

(Continue...)




NOTES

[1] Le cerveau à lécole Paris, 2018

[2] Système 1, Système 2 Paris, 2012

[3] Voir: Les portes de la perception et MOKSHA , version psychedelique de la "libération" (moksha) Hindou.

[4] Dans Vers une écologie de l'esprit I, Paris : Seuil 1977, p.225 et suiv.

       



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