Ces somptueuses présentations me valent un an de bourse à l’étranger de la part de l'université la Sapienza de Rome
Tout au long du 2000 je suis donc un thésard qui s’interroge sur les conditions de pensabilité du « progrès » en toutes ses formes : évolution de la vie, de l’esprit individuel, de l’Histoire avec un grand H (bref: des "êtres organisés"). Je me convainc définitivement qu’aucune démarche « naturalisante » ne pourra jamais faire l’affaire : n’importe quel « progrès », dans n’importe quelle dimension du Cosmos (naturel ou humain) s’enracine nécessairement dans une force d’ordre représentationnel (ce qui ensuite plaira beaucoup à Mme Angèle Kremer Marietti). Naturaliser/matérialiser le fait général de l’évolution des « êtres organisés » est une entreprise vaine. Il faut franchement et sans ambiguïté rétablir la primauté ontologique de la Représentation sur la matière-à-représenter. En l’occurrence, de l’esprit humain sur le tissu de « faits historiques » dont il se nourrit et que puissamment s’assimile en poursuivant son épanouissement et sa joie d’exister.
Mais voilà le Vide devant moi: ma bourse italienne avait désormais épuisé ses fonds : il fallait donc impérativement que je gagne celle des Chacelleries des Universités de Paris. Mais… tout se taisait autour de moi, et je ne pouvais pas me permettre de rester suspendu aux aléas d’une décision qui ne dépendait plus en rien de moi.
Pendant quelques 25 ans j’ai été crucifié à une forme multiple et extrêmement violente de migraine/céphalée. De l’intérieur, je connais très bien les rapports tourmentés d’haine/amour qui lient la Migraine au Migraneux, son esclave. De l’intérieur, je connais donc très bien l’enchevêtrement si sournois entre Réalité (neurologie) et Représentation (ressentir, pensée), qui rythment la vie fatalement hypocondriaque du Migraneux...où bien sûr "Représentation" ne signifie EN RIEN « fiction » ou « simulation », mais qui d'autant plus puissamment nous domine – nous comme êtres à la fois incarnés et pensants - tels des victimes à torturer pour le simple plaisir de le faire…jusqu’à ce que nous n’arrivions à en démasquer les louches manigances. La Migraine, ou : « les Manigances de la Représentation ! »
En revanche, le monde avait épuisé sa disponibilité à m’aider matériellement. Bien que candidat officiel de l’EHESS… voilà je me voyais paumé au bon milieu d’un béant Néant Épistémologique. Comme je l’explique dans le youtube dédié à cette histoire, se guérir sa propre migraine grâce à un usage avisé de son esprit, est, pour l’Âge de l’Acédie a) ABSOLUMENT IMPOSSIBLE (car pour cet Âge l’esprit coïncide avec le Néant, qui tout en étant le Grand Protagoniste du Présent, justement pour cette raison n’existe pas) ; B) ABSOLUMENT INTERDIT, car la (Techno-)Science à l’Âge de l’Acédie est la source ultime de la Norme, à la fois morale, métaphysique et surtout théologique. Or, se guérir sa propre migraine n’est pas NORMAL. Donc, si hélas tu as osé le faire a) tu n’existes pas ; b) tu es fou ; c) tu es un pécheur.
Face à cette situation, j’ai dû constater que pour faire aboutir mon projet (bien accrocher au sol du monde historique le mousqueton de mes découvertes) je devais rassembler en moi trois éléments qui normalement appartiennent à des instances différentes de la réalité : j’étais le FAIT à récolter ; je portais la THÉORIE pour expliquer ce fait (et sans laquelle ce même fait ne peut pas se produire) ; et je devais me faire Institution. Au fait, à la Cour de la Techno-science s'auto-proclamant "falsifiable", aucune institution scientifique ne considérait le propos « j’ai moi-même guéri ma migraine, et je sais vous expliquer comment j’ai fait, dans les termes les plus simples et communs de notre tradition scientifique »... comme une phrase intéressante. Loin de là ! Il s’agit là d’une phrase bien scandaleuse pour la Science à l’Âge du Néant Acédieux, car son ennemi juré est justement un sujet humain vivant et pensant par sa tête, et capable, par conséquent, de porter en soi la source substantielle de son propre mieux-être.
Très heureusement, des individus existent toujours, même (et d'autant plus) au coeur des marécages de l'Histoire Collective. Des savants que j'ai patiemment interpellés m'ont donc soutenu et promu. A côté de ceux que je viens de citer (Chaussinand-Nogaret, Gérard Jorland, Alexis Philonenko, Angèle Kremer-Marietti, Gérard Vergnaud, Bruno D'Amore) tel fut aussi le cas de M.Pierluigi Scapicchio - neuropsychiatre d'envergure, Président de la Société Italienne de Psychiatrie - qui depuis 1994 fut en même temps le médecin de mon SNC (qui est toujours et nécessairement, si migraneux, aussi dystimique) et un enthousiaste promoteur de ma "carrière" scientifique.
Cela n'empêchait toutefois que si j'avais à attendre que quelqu'un d'autre m'écoute pour continuer mes recherches, j'aurais dû arrêter de manger, m'habiller, m'abriter, et donc aussi de rechercher...
Donc, aigument conscient d’avoir à payer une dette à ce qui (=x) dans moi-même, m’avait fait cadeau de ma propre guérison, j’ai accepté ce défi : rester ferme et fidèle dans "le droit fil" des paroles dont M.Chaussinand-Nogaret et M.Jorland m'avaient honoré: il ne s'agissait évidemment pas que de "re-penser" les Lumières... car les Lumières ne pensent que la réalité qu'elles sont par là-même capables de librement et audacieusement se forger en pleine autonomie.
Il fallait donc bien que je sois moi seul ces trois choses à la fois – le Fait, la Théorie, l’ Institution –... et après quelque trois ans dans la nature pour me forger des nouveaux outils existentiels (cf. mon CV), en novembre 2003 j’ai créé comme entreprise le Grand Voilier d’Eironeia, qui a donc permis la traversée de mes patates américaines jusqu’à ce 2010 où j’ai enfin atteint le port de mon doctorat.
Depuis lors, et pendant que je faisais face à des importantes difficultés essentiellement dues au fait que le vieux monde n'aime pas être dépassé par le Nouveau ma thèse est restée là , plantée débout comme un petit soldat qui guette la nuit, ou le drapeau américain - voire la rose de Saint-Exupery - tout seuls sur la Lune… mais par là même bien prêts à s’expliquer à quiconque leur demande de le faire…
On ne sait jamais… un jour... peut-être... l’air frai et le sourire de étoiles accompagneront le rêve d’un Petit-Prince-Savant soupirant d'une nouvelle époque…
Il est maintenant grand temps de parler de l'objet éminent de mes recherches: l'Acédie... l'affreux Démon du Midi.
D’ordinaire, on entend « acédie » et on comprend « paresse » comme « inertie »… d’où l’image ci-dessus - à gauche notre Pinocchio, à droite celle utilisée par un site catholique, afin de traiter de l’Acédie en toute son envergure de péché capital (le plus important): l’image d’un ado-Oblomov s’annihilant dans la fénéantise tamasique du zapping.
Une telle image, en l’occurrence, n’est pas fausse mais elle doit s’approfondir en s’enrichissant de son opposé (hyperactivité) à son tour intérieurement articulé selon les deux pôles du divertissement et de l’affairement
C’est en effet bien ainsi que tout le monde s’accorde, depuis toujours, pour caractériser l’Acédie en son irréductibilité à la Paresse et à l’Ennui : le moine/Pinocchio acédieux dont premièrement nous parle Évagre le Pontique (cf. cet intéressant article de synthèse de Gaëlle Jeanmart , ou Évagre lui-même est cité en premier, à la p.8) seul dans sa cellule violemment résiste face au livre à étudier/méditer. Il s’ennuie… il est paresseux, certes (donc immobile, « akineton ») mais par là même il brûle d’une bougeotte (« dys-kineton ») qui le pousse à quitter sa cellule et à s’affairer (hyper-kineton !) dans un ensemble d’activités qui en réalité ne font qu le détourner (di-vertere) de la seule chose qu’il devrait faire : se poser, se calmer, concentrer son attention sur ce qui compte réellement : l’espace intérieur de son âme, d’où seulement une réelle attention (= soin= « kédos », d’où « a-cédie ») et donc une réelle intelligence, peuvent surgir.
Et bien, notre âge est l’Âge de l’Acédie et de la Techno-science sa pretresse, de ce que c’est bien à travers ce Péché Capital tueur du Dieu qui devrait le punir, que le Néant s’installe en Souverain dans nos vies... ainsi dépouillées de tout Être et tout Âme (par conséquent, l’œuvre du penseur éminent de la mort de Dieu peut-être parcourue comme une méditation ininterrompue de l’Acédie [1]).
Nous pouvons observer cela dans le détail, en consdérant la façon dont Pinocchio se laisse à présent capturer par les marionnettes ses potes au théâtre de Mangiafuoco-Techno-Science, plutôt que faire son dévoir d'élève attentif et studieux.
La Techno-science (Voix du Néant) a su en effet se forger son propre théâtre-à-marionnettes, pour y condenser toutes ces dimensions de l’acédie, que nous venons de voir, entre elles apparemment si lointaines. Ce Théâtre de Mangiafuoco n'est rien d'autre que le SMARTPHONE , qui s’impose donc sans conteste comme l’ Objet Acédieux par Eccellence.
Voilà, ci-dessous, une série de photos d’élèves (glisser la souri sur l'image) que j’ai prises dans un lycée français où j’ai travaillé, et d’étudiants qui, dans la même ville vivaient leur journée à la bibliothèque :