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Satyagraha mai 2004 pour Diane Ducret (la page de ce site à cette occasion)

Introduction, Dialogue sur l'Education

EIRONEIA AUX CHAMPIONNATS INTERNATIONAUX DE TENNIS de ROME - MAI 2004

EIRONEIA aux internationaux de tennis de Rome, mai 2004

ATTENTION!
EIRONEIA, présente jusqu'à aujourd'hui - 15 mai 2004 - aux Championnats Internationaux de Tennis de Rome
suspend sa participation car un SATYAGRAHA - un jeûne sans manger ni boire à temps indéterminé -
a été décidé par Eduardo Caianiello comme ultime mesure
pour détourner Diane Ducret de son irrépréssible instinct suicidaire

Le jeûne et le silence se sont interrompus le 24 mai.
Ceux/elles qui veulent poser des questions sont chaleureusement invités à le faire

Juste à l’occasion de la belle naissance entrepreneuse d’Eironeia (le 15 mai: la veille de la fin des Championnats Internationaux de Tennis, où nous avions un stand, comme le montrent les photos sur ce site), il est pu paraître à ceux qui m’entouraient – mes élèves et mes proches, ainsi que les personnes avec qui je travaillais pour la promotion de l’école, de notre griffe et des différents projets d’expansion entrepreneuse etc ... – que d'un instant à l'autre j’avais « tout quitté », dans le sens de tout abandonné . Il n’en est rien. Ce qui s’est réellement passé, c’est que j’ai quitté quelque chose (si Dieu le veut seulement momentanément) pour ne pas en abandonner un autre (ce que Dieu ne veut certainement pas). Pour la deuxième fois dans ma vie, j’ai commencé un jeûne absolu à la fois de nourriture, de boisson et de paroles. S’achève en ce moment le septième jour depuis que j’ai arrêté de manger, de boire, de parler.

Mon souci le plus important face aux personnes qui me connaissent, et en général face au monde – car depuis quelque temps j’existe officiellement et publiquement comme créateur d’une « École de philosophie » – est donc de contextualiser mon geste en faisant comprendre sa nature et ses finalités en ce qui concerne mon activité de philosophe et en tant que philosophe. Les personnes autour de moi me font confiance, et elles m’ont donc vraiment demandé de leur expliquer les raisons de mon geste. J’ai donc décidé que la meilleure chose à faire serait de rendre publiques ces raisons.

La possibilité du doute et de la méprise autour de mon geste vient ce que mon action – qui est un satyagraha à part entière – a pour « cible » non pas une institution, un gouvernement ou l'« opinion publique », mais une seule personne, individuelle et individuable qui était et est mon élève, et qui est aussi ma famille parce que nous aurions dû nous marier. DIANE DUCRET a vingt et un ans et je prends soin d’elle en même temps comme de ma femme et mon élève. Mais, mais depuis un moment elle a perdu tout repère et toute vérité. Je l’ai trouvée perdue et à l’abandon, et je m’en suis occupé pour qu’elle prenne son envol… mais elle ne veut pas le faire. Elle enchaîne des pratiques de pure destruction contre elle-même et contre moi. Bref, elle ne veut « prendre son envol » que faussement, et en se perdant à nouveau. Je dois donc faire quelque chose. (Il serait utile pour ceux qui s’intéressent au sujet, de s’enquérir de la nature du satyagraha, qui est ce type de lutte que le Mahatma Gandhi a inauguré il y a cent ans de cela, en en parlant comme de « l’équivalent moral de la guerre»

Il y a plusieurs conditions pour qu’un satyagraha – qui signifie : « pouvoir de la Vérité, ou « action menée au nom de la Vérité » – soit tel : la plus claire et le plus essentielle est que sa finalité n’est pas celle d’une riposte contre sa « cible » : cette lutte est un geste d’amour envers sa cible. Avec ce geste, celui qui en est l’auteur veut faire en sorte que la personne qu’il vise revienne en soi (donc certes NON « vers moi » !) et qu’elle se rende compte que ce qu’elle fait (comment elle vit sa vie) est tellement mauvais que quelqu’un est prêt à offrir sa vie pour qu’elle arrête de se comporter comme ça. Pour le satyagrahi qui prend cette décision, il vaut mieux mourir que de vivre dans un monde où il se passe ce qu’il se propose de faire cesser.

Beaucoup diraient que la différence entre un satyagraha et un chantage moral – par exemple le chantage destructeur et autodestructeur d’une toxicomanie ou d’une anorexie, comme celles qui justement affligent ma Diane, qui n’est jamais (je dois enfin, hélas, en prendre acte) venue à bout des addictions profondes de son esprit - est une différence « subtile ». Or d’un côté ceci est vrai, surtout pour le satyagrahi lui-même : car dans son âme il doit savoir discerner très exactement entre ses mobiles purs et ceux qui sont impurs ; d'un autre côté, cependant, cette différence n’est pas du tout « subtile » dans le sens de vague, confuse ou indiscernable, car le spectacle d'un satyagraha est très clairement celui d’une lutte lumineuse et sereine au nom de la raison et de l’amour, et certainement pas celui d’une pathologie dure et impitoyable.

En outre, une précision s’impose: depuis longtemps notre société est bien pire que gravement malade (depuis l’époque de Gandhi elle n’a fait qu’empirer en termes de présence, d’éveil et de conscience critique) et cela se voit justement dans le fait que toute lutte de l’esprit, d'où qu'elle provienne, effraie tellement les humains de l’âge actuel, qu’elle est immédiatement stigmatisée comme pathologique. Il arrive donc que beaucoup de personnes qui sont les témoins directes ou qui subissent sur leur propres peau des injustices intolérables, n’arrivent à donner la parole au mal qui les ronge et les torture qu’en « tombant malades » : de drogue, d’alcool, d’anorexie. N’ayant pas développé un apparat de compréhension et d’analyse suffisamment puissant pour affronter la situation en la combattant sainement et ouvertement, la seule forme d’action spirituelle qu’elles savent mener – dans ce vide pneumatique, dans cette désertification spirituelle qui est notre monde – est de ne se priver que de manière destructrice, et non pas aussi constructive, de leur alimentation et de leur santé. Tant de toxicomanes, et tant de patients « psychiatriques » sont des satyagrahi que personne n’écoute, tout d’abord eux-mêmes, et la seule façon qu’ils ont de montrer au monde comment ils ont été abandonnés, est de s’abandonner eux-mêmes d’une manière (enfin) claire et visible pour tous.

Une autre condition nécessaire pour que l’on soit face à un vrai satyagraha est – et cela à l’encontre de ce qu’on aurait tendance à croire – de voir si l’on pourrait le diriger, en effet, « contre » une personne intime (sa femme, son ami...) qui nous est réellement chère, et dont nous voudrions rouvrir le cœur et l’ esprit. Au fait, s’il est bien difficile de faire comprendre que vous voulez le bien du chef d’un gouvernement tyrannique que vous choisissez comme « cible » de votre grève de la faim, il est en revanche très facile de faire comprendre ce qui se passe si votre cible est une personne que vous aimez tendrement. Une vengeance et une riposte veulent endommager, tandis qu’une action comme la mienne veut sauver, et la souffrance que je m’inflige à moi-même vise à guérir et non pas à rendre encore plus malade.

Autre caractéristique : le satyagraha est essentiellement dirigé vers la brebis perdue : le « bon berger » donne sa vie pour ses brebis, et il est prêt à laisser tous les autres quatre-vingt-dix-neuf pour partir chercher celle qui, seule, est tombée dans le puits. Pour un esprit toujours et seulement affairé dans ses affaires marchands de perte et de gain cela est absurde: mais d’un côté, il est évident pour quiconque que si un enfant se noie, je dois immédiatement tout laisser tomber pour plonger et aller le sauver ; de l’autre, l’économie et les affaires n’existent qu’au sein de la Cité, qui se fonde entièrement sur des valeurs parfaitement « non économiques » (on enterre les morts, on nourrit les détenus…. Mais voilà : le fondement d’une chose a toujours un aspect opposé à celui de la chose elle-même, qui s'y fonde...ce qui rend bien difficile de s'orienter face aux phénomènes.

Un autre caractère de cette guerre concerne la source réelle de la décision de l’entreprendre : « Pourquoi maintenant? Pourquoi n’attends-tu pas? ». Face à un enfant qui se noie ces questions se dissipent, car un corps est visible et des cris sont audibles, alors que l’âme ne l’est pas, et une âme qui se noie et crie ne fait pas de bruit (pour cette raison je suis en silence). Je dois donc prendre la responsabilité de faire quelque chose pour récupérer une situation que personne ne voit ni entend. Or, la source d’une pareille décision est rigoureusement et seulement son cœur. Pour sauver une personne perdue dans son âme, tu dois donc savoir dans ton cœur ce que tu dois faire et quand. C’est pourquoi il est si difficile, à l’heure actuelle, faire des choses de ce genre: non pas parce que personne ne connaît le cœur de l’Homme, mais par ce qu’au moment où des pubs sans vergogne envahissent le monde avec leurs images de fillettes de quatorze ans mi-nues et honteusement violées en leur corps et en leur esprit (je parle ici de top models bien "consentantes" grâce à leurs parents)...c’est justement - et incroyablement - notre cœur scandalisé qui a honte de se manifester: pratiquement personne n’a le courage de dire haut et fort que quelque chose ne devrait pas être fait parce que son cœur proteste. Mais les temps changent, et l’époque actuelle est déjà révolue : le fait qu’un philosophe fasse ce mien discours « en criant sur les toits » ce qu’on nous a « dit à l’ oreille » montre bien que ce passage historique est en train de se faire.

Une chose, en outre, rend le satyagraha particulièrement efficace: que la personne qui le fait ait déjà acquis un crédit moral quant à son honnêteté et la pureté ses intentions et de sa recherche de la Vérité. Cela disspera tout doute chez ceux qui sont au courant de son choix, quant à la nature de ce même choix : non pas des « représailles » mais bien plutôt de l’amour fort comme un véritable guerrier. Je me considère donc plus que chanceux – cela vient de mon destin plutôt que du « hasard » – de disposer aussi de cette arme - celle de ma fiabilité intellectuelle et morale en tant que philosophe et pédagogue - aux yeux de ceux qui m’entourent, et tout d’abord aux yeux de Diane.

J’ai donc commencé à jeûner (soir du 15 mai) quand j’ai senti qu’une une souffrance mortelle meutrissait mon cœur. Mon élève le plus important - Diane sera une grande philosophe, peut-être décisive pour notre époque, et que je l’ai élevée comme telle - mais aussi ma fille et ma fiancée, se perd, comme Pinocchio. Exactementcomme Pinocchio (le nôtre est bien l’Âge de Pinocchio). Et Pinocchio est le gosse au cœur d’or qui fuit l’école... N’est-ce pas grave ? Bien sûr, c’est grave: c’est très grave, si bien que Geppetto finit dans la gueule du requin, et la fée meurt de chagrin. Ma chance est que le Philosophe est justement comme la Fée : son cœur se brise, mais son esprit a assez de lucidité pour le savoir, et donc pour savoir le dire et le communiquer à Pinocchio avant de montrer au monde – ainsi qu’il se passe d’habitude – une mort qui s’est déjà produite. Au fait, ce n’est que confronté au cœur brisé de la Fée, et à Geppetto tout seul dans le ventre du poisson, que Pinocchio revient sur le droit chemin : quiconque se limite à parler du bien et du mal, fait – à juste titre – la fin du Grillon.

Dans mon combat, il y a donc aussi mon devoir envers la Vérité : car la vérité de mon cœur est certainement une vérité qui appartient au monde : si je la cachais car il « ne s’agit que de moi », je serais absurdement discriminatoire - j’habite bien le monde, ainsi que le monde m’habite à son tour - et d’ailleurs hypocrite, parce que je ne ferais que défendre mon image. Je me suis fait tant de problèmes de conscience... : si cela était en effet opportun que je donne la parole à « mon » cœur au moment où mon entreprise philosophique existe enfin publiquement, et que beaucoup de gens y croient et comptent sur moi. Mais je me suis dit – et c’est la chose la plus grave et la plus profonde que je crois – que dire « mon » cœur est mal s’exprimer: un enfant se noie, et il faut faire quelque chose tout à fait indépendamment de « qui » est l’enfant en danger de vie: faire taire « mon » cœur au nom d’une entreprise (Eironeia) qui a pour but essentiel de faire en sorte que les gens sachent se battre pour ce qu’ils croient, c’est avoir réduit au silence le cœur pulsant de Eironeia, son centre le plus vrai et le plus vivant.

Or, les gens autour de moi – et en général l’esprit de tous ceux qui entrent en contact avec ma décision et ses motivations – sont tous d’accord avec moi, et me soutiennent. Cependant, une objection m’est souvent proposée, ce qui est bien normal car elle fait son apparition entourée par l’inscription clignotante « sortie de secours »… en constituant en réalité l’une des sources de méprise les plus importantes autour du problème de la croissance de l’Homme, de son éducation et de sa naturelle tendance à « errer ». Une méprise que j’ai toujours à dissiper dans la tête de mes interlocuteurs en tant que philosophe, enseignant et pédagogue. Bref, on m’objecte: « Mais après tout Diane est petite... elle doit grandir, acquérir de l’expérience : la vie lui apprendra ce qui compte vraiment et ce qui n’a pas d’importance… » etc. La dernière fois qu’on m’a parlé ainsi, c’était par la bouche de ma chère Adriana (ADRIANA STRINI, mon amie, élève et collaboratrice. Pour voir qui c’est, cf. les photos sur ce site où apparaît notre stand aux Internationaux de Tennis). Or, comme je ne parle pas, notre discussion a eu lieu sur papier: dans la plupart des cas je lui posais des questions au OUI-ou-NON ; dans d’autres, elle a répondu et j’ai transcrit ses réponses. Ce qui suit est donc la transcription exacte de notre Dialogue sur l’Éducation.

- Eduardo… Diane est petite ! T’as attendu si longtemps… tu ne peux pas attendre encore… qu’elle grandisse ? Le temps et la vie feront leur travail…
- Adriana, les paroles et les notions dirigent les actions concrètes, qui déterminent la vie des hommes, donc les paroles et les notions doivent avoir un sens.Considérons alors l’expression « Diane est petite ». « Petite » signifie qu’un enfant de quatre ans est plus « petit » qu’un enfant de huit ans et les deux sont plus « petits » qu’un jeune homme de vingt cinq. Ceci est le sens de « petit ». Nous sommes d’accord ?
-Oui.
-Prenons alors un « petit » qui est certainement petit , car la « petitesse » de Diane est une affaire incertaine : il ne s’agit pas d’une petitesse effective et évidente, comme celle d’un enfant. Es-tu d’accord ?
- Oui
- Or : un enfant de huit ans voit que sa maman est malade et sa tâche – on lui dit de faire ainsi – est de lui apporter à boire. Nous nous attendons qu’il le fasse ?
- Oui, certainement.
- Je veux dire : est-il trop petit pour le faire ou pour le lui demander ? Tu lui demanderais ça ?
- Oui, certainement.
- Mais penses-y bien : puisque il est petit nous pourrions imaginer qu’ à cause de ses huit ans, il refuse d’apporter de l’eau à sa maman… qu’ il reste immobile devant le grand lit, qu’il ait peur, qu’il fonde en larmes.
- Oui, cela peut arriver.
- Mais maintenant, faisons attention : un enfant de huit ans - un « petit » - c’est à cause de son âge qu’il refuse d’apporter à boire à sa maman malade ?
- Et bien …oui.
- Eh bien non ! Penses-y bien : tu viens de dire que tu lui demanderais ce service malgré ses huit ans… Mais moi je je dis : c’est justement à cause de son âge que tu lui dirais « va chez ta maman et apporte-lui à boire ». S’il il ne le fait pas par caprice, je pense alors que tu lui demanderais de le faire sans histoires, tandis que si tu vois qu’il est troublé, tu lui parlerais, tu chercherais à comprendre. Or dans chacun de ces cas tu raisonnerais ainsi : à son âge il doit savoir apporter à boire à sa maman malade, et s’il ne le fait pas, il y a un problème…
- Oui, en effet.
- Donc tu te trompais , car l’image de l’enfant et de sa petitesse trouble notre esprit, en le cristallisant sur son "évidence" immédiate. En réalité, c’est n’est pas à cause de ses huit ans que l’enfant n’apporte pas de l’eau à sa mère, mais à cause de sa fragilité, ou par caprice. Ce sont des choses qui certainement peuvent arriver aux « petits », mais comme des défauts à corriger avec l’éducation, ou comme des problèmes à résoudre avec un engagement sérieux et approfondi… - Oui, en effet…
- Or, admettons qu’un enfant de huit ans - un petit - ait un blocage si puissant qu’il lui est impossible d’apporter à boire à sa maman. Pour lui, c’est impossible : sa maman peut même mourir de soif. Nous en concluons que… il est petit ?
- Non, nous en concluons qu’il a un problème sérieux.
- … un problème qui peut arriver aux « petits »… mais qui justement pour cette raison doit être affronté et soigné/éduqué.
- Je dirais oui.
- Donc, dans ce cas nous ne dirons pas « il est petit…il grandira»
- Mais non : bien sûr il grandira, mais le problème restera où il est, si nous ne faisons rien.
- En effet, nous ne dirons donc pas « il est petit et il grandira », mais plutôt « il a une maladie des petits et il faut le soigner…autrement il grandit mal, parce qu’avec lui grandit sa maladie »
- Oui nous dirons ainsi.
- Nous en concluons alors que « le temps » n’arrange pas tout, au contraire… il n’arrange rien du tout, ainsi pris nu et vide, en deçà de toute action accomplie pendant son écoulement. Quant à lui, le temps fait grandir tant les petits malades (et donc leur maladies) que les petits en bonne santé… - En effet
- Avec cette précision assez importante, nous nous débarrassons de la vacuité « les petits grandissent », puisque en réalité sur le fond de cette évidence vide résonne la vérité « les petits malades doivent être soignés, autrement ils grandissent mal, et si parfois en grandissant il guérissent, c’est bien par ce que quelque chose de "thérapeutique" est arrivé, qui ne dépend pas du simple et naturel fait de grandir ».
- C’est bien.
-Reprenons donc notre exemple. Le petit est malade et nous voulons le soigner (car il est incapable de donner à boire à sa maman, même si elle meurt de soif) … mais avec la même force ce petit refuse de prendre les médicaments. Nous disons alors qu’il le prendra une fois qu'il aura grandi…
- MAIS NON !
- Bien sûr que non : n’importe quel parent dira : « MAINTENANT, CHER PETIT, TU PRENDS TON MEDICAMENT»
- C’est évident
- Ok. Revenons maintenant à Diane. Qui, comme tu le dis, est « petite »…. disons …. huit ans ?
-Eh, eh… bonne question : Diane a presque vingt-deux ans ! Disons que Diane certainement se considère petite : elle se sent terrifiée… et en effet elle est restée petite et immature face à certaines choses qui lui arrivent…
- Encore!!!? Mais nous venons juste de dire qu’un enfant de huit ans – un petit – n’est pas « trop petit » pour apporter l’eau à sa maman ! Il n’est pas « immature pour le faire » !
- En effet : nous avons dit au contraire que s’il ne le fait pas, il y a un problème : c’est un petit malade.
- Donc, lorsque tu affirmes « Diane est restée petite face à certaines choses qui lui arrivent », encore une fois cela n’a pas de sens.
- C’est vrai…mais c’est tellement difficile à focaliser…
- En effet: il s’agit du plus grand malentendu sur la croissance et la responsabilité qui accable à présent tous les systèmes pédagogiques de notre monde. Nous disons « petit » pour dire malade... mais nous ne soignons personne, car … il est petit, et il grandira ! L’esprit glisse… et glisse ma petite Diane.
- D’accord, mais je veux dire que Diane est effrayée… et de même que cet enfant, elle est effrayée par sa « maman » malade, c'est-à-dire par toi qui jeûnes… Mais en effet, il est vrai que même si tu étais vraiment malade, elle serait également bloquée et ne t’apporterait pas à boire… Diane est bloquée : un point c'est tout
- C’est vrai. Mais qu’est-ce-qui bloque Diane ? Est-ce qu’elle affirme que je suis un monstre horrible?
- Non, elle ne fait que répéter que tu lui as redonné la vie, tu l’as nourrie et éduquée, et que grâce à toi elle est rentrée dans le monde et à présent elle vole…
- Mais elle ne dit pas que cela…
- C’est vrai : Diane est ambivalente…parfois elle t’en veut.
- Je le sais bien, mais maintenant dis-moi : Diane possède ou non – en dessous de son ambivalence - une image unique qui me représente sans ambiguïté ? Diane sait ou ne sait-elle pas si je suis un monstre ?
- Non : Diane sait parfaitement que tu n’es pas un monstre : elle le sait et elle le dit, et tout le monde sait qu’elle le sait, et elle aussi. Diane sait que tu es celui qui lutte contre ses propres monstres. - C’est vrai, et c’est pour cette raison que je suis tellement préoccupé : car Diane est encore victime des monstres que nous avons combattu et que j’espérais avoir vaincu. Mais je vois qu’elle encore victime sous leur coupe, presque deux ans après notre séparation, que j’ai acceptée et endurée - en faisant ma vie de mon conté, afin que elle puisse vivre, jouir et voler… Mais reprenons : Diane – petite/ambivalente/terrorisée ne m’apporte pas l’eau dont j’ai besoin : ni que je sois effectivement malade, ni que je me livre activement à la faim et à la soif pour rouvrir son cœur enefrmé et perdu... et qu'elle vole - ou s'ENVOLE VRAIMENT, enfin.
- C’est comme cela.
- Mais un « petit » apporte l’eau à un malade…
- Oui
- …et si il ne le fait pas, c’est lui qui est malade. Il n’est pas petit. Nous le savions déjà qu’il est petit : il est donc petit, et malade.
- Oui
- Revenons alors à la phrase : « Diane est trop petite pour faire face à ce qui lui arrive ». Nous avons dit dit que personne n’est trop petit pour apporter de l’eau à sa mère. Même à cinq ans, l’enfant paralysé devant le grand lit de maladie (ou de mort) de sa maman doit être éduqué pour qu’il le fasse.
- Certes, oui.
- Dis-moi alors ce que signifie « trop petite pour ce qui lui arrive ».
- Cela a ne signifie rien. « Trop petite » doit être remplacée par « petite malade/capricieuse , qui doit être éduquée/soignée.
- Bien. La situation dans notre cas est donc la suivante : en ce qui me concerne je suis sain – autrement je ne serais pas dans cet état après sept jours de jeûne absolu sans manger ni boire : et cela est une chance, car si j’étais malade, Diane ne ferait rien en tous les cas, et nous serions tous les deux perdus.
- En effet…
- … d’autre part, si je ne suis pas « malade » Diane, n’est pas « petite ». Je suis un homme très sain qui se livre à la faim et à la soif, et elle est une fille de vingt-un ans qui se ballade dans le monde en ramassant ses succès. Cela signifie que personne ne lui dira « occupe-toi d’Eduardo car tu es en train d’étouffer dans la terreur et l’oubli tout ce que vous avez été et qui vous tient unis ». Personne ne lui parlera ainsi, puisque Diane… est une grande personne!
- En effet…(!!!)
- D’autre part, les mêmes personnes qui raisonnent ainsi, confrontées à mon satyagraha riposteront que Diane… est petite ! SANS pourtant en conclure que, si elle est petite, alors il faut l’éduquer. Et pourquoi ne tirent-elles pas cette conclusion ? Mais parce que désormais elle est trop grande pour être "éduquée" ! A propos des garçons et des filles qui comme Diane vivent paralysés dans cette situation d’absurdité logique et métaphysique – des millions de jeunes vivent mentalement torturés en silence dans cet état d'échec logico/métaphysique, abandonnés à la mort et à la solitude - ... "le monde dit" alors : "la vie leur enseignera… il/elle apprendra par ses erreurs…"
- Oui…
- En réalité, Diane est petite comme tous les millions de jeunes de son âge tout simplement abandonnés à eux-mêmes. Elle n' est "petite" que par ce qu' elle vit les terreurs affreuses d’un petit enfant; parce qu’elle porte en soi la frayeur des caves noires, des abandons, des harcèlements… Pour cette raison nous disons "elle est petite": car elle et effrayée comme seulement un petit enfant peut l’être. En conséquence, elle s’attache à moi pour vivre et grandir, et ensuite elle me déteste, car pour ce faire elle doit s’éloigner de moi. Diane n'est « petite » que comme un enfant abandonné est "petit".
- Oui, Eduardo, c’est ainsi.
- Donc la phrase « Diane est petite, elle doit grandir » signifie en réalité « Diane a le problème d’un enfant malade : il faut soigner l’enfant malade, autrement il grandit mal ».
- Certainement.
- Mais Diane a vingt et un ans, et elle déteste (de façon ambivalente) son éducateur/époux. En dehors de moi pourtant, il n’y a personne qui sache/veuille dire : Diane est petite, et donc il faut l’éduquer. J’ai essayé, mais le monde a été plus fort que moi. Maintenant c’est le dernier combat… on va voir. - Le problème est que dans notre monde il est normal d’affirmer en même temps les deux absurdités logiques : A) « Diane est petite… elle doit faire ce qu’il lui semble le mieux, car c’est comme cela qu’elle grandira et qu’elle apprendra » et B) « Comme Diane petite, c’est normal qu’elle s’enfuie et qu’elle se soustraie à toute à toute éducation, et à tout lien humain vrai et profond ». MAIS...comment pourrait-elle jamais grandir et apprendre un personne qui passe sa vie en se sentant "enfermée" par quiconque l'aime, et à s'en fuir dans l'oubli? - En effet… - Concentrons-nous alors sur cette dernière idée-échappatoire : « Diane est petite, elle doit pouvoir se tromper, affronter la vie, car ainsi elle grandira : elle connaitra la vie ». Cette phrase signifie finalement qu’il y a deux enseignements possibles : A) à l’école, en présence d'un enseigant/éducateur et de son tableau noir, où il peut représenter (transcrire) ce que l'élève dit/écrit, et le corriger ; B) dans la vie, directement confronté aus conséquences désagréables de nos actions. - Or à l’école l’enseignant est en condition de montrer, de signifier à l’élève par un langage conventionnel les conséquences désagréables de ses actions : une mauvaise note, un rappel…. Et cela grâce à et à l'intérieur du périmètre de visibilité qu’il a préalablement mis en place : le tableau noir, l’écran lumineux…etc. Quel est par contre, d’après toi, le "tableau noir" dans lequel Diane, qui a choisit la « vie » et le « temps » comme école, puisse voir clairement et distinctement les "conséquences désagréables" de ses erreurs ? - Là je ne coprends pas trop...
- Je veux dire par là tout d'aord que ce qu'on apelle « l’école de la vie » n’a pas une structure absolument différente de l’école pour de vrai, avec des bancs des chaises et des tableaux noirs. Car dans les deux existe quelque part - plus au moin visible - un tableau noir où nous pouvoir voir représentées nos actions et leurs conséquences. D’ailleurs écoute… les bancs, les chaises, le tableau noir ... sont DANS l’école, mais l’école à son tour est bien DANS notre vie ! On ne quitte pas la « vie » (enfin on ne devrait pas le faire…) lorsqu'on se rend à l’école!.
- FS'il te plaît, fais-moi mieux comprandre que cela signifie que "la structure" de l'école et de la vie est la même.
- Je m’explique : à l’école, des objets ordinaires sont placés dans un certain périmètre : un tableau-noir, un cahier, un laboratoire, les paroles des enseignants. Grâce à ce périmètre, l’élève distille, sépare, leur existence vis-à-vis du reste, et pour cette même raison – car il y a cet encadrement – l’élève fait attention, et se concentre sur ces objets au détriment de tout le reste ; en conséquence, il peut apprendre des choses sur eux. - Lorsque par contre nous nous trouvons à l’ "école de la vie" , l’unique vraie différence est qu’il n’y a pas d’horaires, de professeurs, d’ effaceurs… ni un tableau noir qui soit consciemment regardé comme tel … - Néanmoins, lorsque nous allons finalement nous « cogner » aux conséquences de ce que nous avons fait, il arrive en effet qu’autour d’un certain évènement – qui en l'occurrence s’est déjà produit mille et mille fois sans que nous ne soyons disponibles à le reconnaître – apparait un périmètre, un encadrement… un tableau-noir invisible jamais perçu auparavant, et qui maintenant est capable de faire ressortir cet événement sur le fond des innombrables choses qui existent dans le monde et des innombrables conséquences de nos actions. Un éclat d' "évidence" … et nous voilà, enfin, devant le tableau de cette seule action et de tout son entourage de circonstances et sa suite de conséquences négatives. A l'intérieurd’un vrai tableau invisible, donc, soudainement apparu devant notre esprit, le seul dessein de cette action se détache finalement de tout le reste. Nous y adressons alors notre attention, et nous pouvons "apprendre". Tu vois bien, enfin, que « l’école de la vie » et « l’école » ordinairement entendue ont bien la même structure… et que donc l’idée que le « temps » ou la « vie » aient en tant que tels le pouvoir d’enseigner quoi que ce soit, équivaut à dire que nous pouvons aller à l’école pour apprendre les mathématiques, tout en restant les yeux et les oreilles fermés, car il est suffisant de ne pas être morts, et de passer le temps de la leçon simplement "en vie" (et en effet plein d’élèves le font…). - « Comprendre » veut dire alors, en réalité, que le moment venu un tableau noir apparait autour d’une erreur répétée mille fois…, et le fait enfin éclater devant nous.
- Je comprends…
- Mais là, une précision est nécessaire. Et en effet, si tu y réfléchis, tu vois que nous « répétons » une erreur seulement si nous ne savons pas que sommes en train de répéter quelque chose… car si nous le savions, nous éviterions de le faire. C’est donc seulement après - quand le tableau noir fait son apparition à l’énième occurrence de cette même erreur – que nous nous apercevons que sous l’apparence d’une multitude d’actions différentes se cachait en effet la répétition d’une chose identique. En conclusion… lorsque nous répétons n fois une certaine chose qui ensuite nous reconnaîtrons comme une erreur, nous ne savons pas que nous sommes en train de répéter une même action : c’est seulement après, quand le tableau noir apparait en démasquant l’erreur, que nous sommes en mesure de dire pour la première fois : j’ai répété cette même action. Pour le reste… la « vie » et le « temps » sont seulement un mélange chaotique de choses confuses et multiples, d'où émanela douleur non perçue que notre esprit ressent dans son égarement muet et iincoscient
- Oui, je suis d’accord, surtout sur la douleur non perçue : et en effet, le tableau noir et la douleur que nous ne savions pas de ressentir, apparaissent ensemble…
- Et alors, sur quel tableau-noir Diane Ducret - vingt et un ans, belle riche et française, bien installée dans son monde et dans sa vie, et dont tout le monde dit qu’elle « est petite » sans que personne n’ajoute « …donc il faut l’éduquer »… sur quel tableau-noir, dis-je, Diane Ducret peut contempler, claires et nettes, les conséquences de ses actions ?
- Mais…sur aucun! Dans le monde il n’y a pas de tableaux-noirs ! Tout ce que tu dis est vrai... mais c'est très paradoxal...enfin: qu’il faut un tableau-noir in-visible pour mettre en é-vidence l’erreur qu'on vient de (re)faire, et la saisir en sa répétition… Mais, mais… il est évident que les tableaux-noirs, dans le monde, n’existent pas…. Et alors, comment peut-on faire ? Je ne sais pas…
- Débloque ton esprit ! Tu viens justement de le dire ! C’est toi qui le dis… et tu dis de ne pas le savoir. Tu affirmes : « les tableaux-noirs n’existent pas DANS le monde»... ils n'existent que DANS l'école.
- Certes !
- Et l’école, n’existe-t-elle pas DANS le monde ?
- ... !!!...
- C’est donc toi qui le dis ! Les tableaux, tous les tableaux, à un certain moment sont VENUS AU MONDE. A un certain moment le petit grandit, le malade guérit, l’enfant nait, l’homme meurt… et les tableaux apparaissent ! Et Pinocchio se rend enfin à l’école…
- C’est vrai… Mais c’est un fait que Pinocchio ne veut pas aller à l’école, que le petit ne veut pas grandir… - Que l’homme ne veut pas mourir…
- Eh alors… comment un tableau peut-il « apparaitre » devant Pinocchio, si Pinocchio ne veut absolument pas écouter et qu’il est en train de fuir tout tableau, soit visible soit invisible ?
- T’as pigé : Pinocchio n’écoute pas, et c’est pour cette raison qu’il ne voit pas de « tableau » mais seulement un chaos de choses confuses et multiformes. Pinocchio doit avant tout vouloir écouter pour arriver à saisir le périmètre invisible qui luit autour de ses propres expériences (et vice versa : pour saisir ses propres expériences, qui mettent en lumière un périmètre qui les fait ressortir sur l’horizon indéfini du monde…). Quand Pinocchio commence à écouter, les tableaux commencent à apparaître dans le monde. Or, comment faire en sorte que Pinocchio écout - ...en le faisant s'asseoir face à un tableau ?...
- Et ben VOILA !!! … Mais... connais-tu l’histoire ou non? Pinocchio s’échappe du tableau ! Remémore-toi : QUI parvient enfin à convaincre Pinocchio qu’il doit s’arrêter et écouter ? L’enseignant ? Le grillon ? Geppetto ?...
- Non, la fée…on plutôt la TOMBE de la fée morte de chagrin parce que Pinocchio s’est enfui…
- En effet, tout est là : les tableaux apparaissent parce que quelqu’un parle à notre cœur et parle avec une insistance suffisante pour être enfin écouté. Maintenant, dit "le monde", Diane est « une grande personne »tandis que moi, Eduardo « je me porte bien ». Mais la verité est que Diane est petite-et-effrayée et je meurs de chagrin parce que je suis sa fée. Chère amie… personne n’est prêt à dire la verité (comme Pinocchio) : la simple vérité que les petits doivent être aimés, soignés et éduqués, et que les grands qui s'occupent peuvent mourir de chagrin. Et comme personne ne dit cette vérité, il y a énormément de grandes personnes sans cœur : parce qu’un adulte sans cœur n’est qu’un enfant qui a été abandonné et qui pour cela est mort de chagrin. - Mais moi, je suis un philosophe, et mon métier c’est la vérité, et ma tâche (mon devoir) est de la dire : où qu’elle se trouve, en commençant naturellement, par mon propre cœur. Autrement, quel tableau pourrai-je jamis attacher au mur d' Eironeia ? Pour cette raison je fais ce satyagraha pour ma Diane : pour que devant son cœur apparaisse enfin le tableau noir devant lequel elle s’enfuit effrayée, depuis si longtemps.




Ὣ ς   ἔ φ α θ '...   ἐ ν   δ ὲ   γ έ λ ω ς   ὦ ρ τ '  ἀ θ α ν ἀ θ ο ῖ σ ι   θ ε ο ῖ σ ι ν !
...ainsi parla-t-il... et un grand rire s'éclata chez les dieux immortels! (Odyssée VIII)

       



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